De vénéneuses beautés…La toxicité est une notion relative. Les végétaux peuvent présenter des multiples degrés de toxicité. Les moins toxiques provoqueront des réactions anodines (démangeaisons, diarrhées, vomissements par exemple) alors que d’autres espèces bien plus virulentes pourront aller jusqu’à la mort si la dose létale est atteinte.
Il existe des végétaux entièrement toxiques alors que d’autres ne sont toxiques qu’en partie.
Ici, pas d’exhaustivité. Simplement dresser une liste des principales plantes sauvages vénéneuses qu’il peut être utile de connaître et de reconnaître. Non pas pour les diaboliser, loin de là. N’oublions pas que certaines d’entre-elles apportent, d’un point de vue thérapeutique, leurs bienfaits (belladone, digitale, colchique…)
Les accidents mettant en cause de telles plantes existent bel et bien. Mais cela résulte avant tout d’une méconnaissance (une confusion est toujours possible entre la grande ciguë et le persil sauvage, par exemple)
Apprendre à les connaître afin de s’en préserver.
01/Aconits [Aconitum Vulparia/Lycoctonum/Napellus]
Ce sont, sans doute, les plantes les plus dangereuses de France et, peut-être même d’Europe. Elles provoquent des inflammations au seul contact de leurs feuilles avec la peau !
Bien qu’elles soient très toxiques, on en tire des substances médicamenteuses qui ont des propriétés anticongestives, antirhumatismales et démorphinisantes.
Les fleurs sont également vénéneuses. D’ailleurs, le bétail les évite.
Une ancienne croyance veut que l’aconit puisse soigner quelqu’un qui vient de se faire mordre par un serpent dont la morsure est mortelle.
02/Ancolie [Aquilegia Vulgaris]
Belles fleurs violettes ou bleues, plus rarement blanches, rosâtres, voire pourpres.
03/Arnica [Arnica Montana]
Bien que son utilisation en externe ne pose aucun problème sous forme de pommade, c’est une plante hautement toxique en interne, capable d’une action foudroyante sur le système nerveux ou cardiaque.
Hildegarde de Bingen dit d’elle qu’elle contient « une chaleur vénéneuse. »
04/Belladone [Atropa Belladonna]
Difficile de passer à côté. Elle contient un alcaloïde connu sous le nom d’atropine qui est communément utilisé en médecine (pour faire un fond de l’œil par exemple, vu que l’atropine a pour effet de dilater la pupille).
Au-delà de cet usage ophtalmologique, il faut savoir que l’atropine chez le sujet sensible et/ou à doses élevées provoque des effets très puissants : tachycardie, arythmie, troubles de la parole et de l’attention, vertiges, bradypsychie, somnolence, confusion mentale, réactions paranoïdes, hallucinations visuelles et auditives, délires, désorientation spatio-temporelle, diverses affections cutanées…
Les baies noires de la belladone ont un goût agréablement sucré. Une douzaine de ces baies va suffire à tuer un enfant s’il ne subit aucun traitement énergique d’urgence.
Par ailleurs, ces mêmes baies n’ont aucun effet chez une espèce comme le lapin.
05/Colchique d’Automne [Colchicum Automnale]
Une autre beauté empoisonnée. Très toxique. Quelques feuilles représentent une dose suffisante pour tuer un homme adulte.
Cependant, on en extrait la colchicine, un alcaloïde utilisé pour le traitement de la goutte.
06/Datura Stramoine [Datura Stramonium]
C’est une plante très fréquente dans toute la France. Les fruits, en forme d’œuf, sont couverts d’aiguillons et contiennent des graines noires.
C’est une plante hautement toxique. Actuellement, elle est cultivée pour ses qualités ornementales.
C’est sans doute une cousine de la Datura Metel utilisée au Moyen-Âge pour faire des emplâtres et bien d’autres desseins…
On pense que la datura est capable d’empêcher les taupes de s’installer au jardin…
07/Digitale Pourpre [Digitalis Purpurea]
Grande plante très toxique. Quand cette plante n’a pas encore développé sa haute hampe florale, la touffe de feuilles au sol peut ressembler à celle d’une consoude avant floraison.
On tire de la digitale, la digitaline, autre substance dont se sert la médecine, notamment pour les maladies du cœur comme l’insuffisance cardiaque.
08/Grande Ciguë [Conium Maculatum]
Elle est assez fréquente dans la nature. Très toxique et mortelle (celle-là même que but Socrate). Le risque de confusion entre la ciguë et le persil ou la carotte sauvage existe. Aussi, méfiance.
09/Gui Blanc [Viscum Album]
Plante semi-parasite et toujours verte. C’est la fameuse plante sacrée des Gaulois, celle « qui guérit tout. » Il faut y voir un symbole d’immortalité, de vigueur et de régénération physique lorsque le gui est cueilli au mois de novembre, début de l’année celtique.
Ce n’est ni un arbre, ni un arbuste. N’ayant pas de racines dans le sol, il était considéré comme un symbole féminin censé bénéficier d’une relation particulière avec le ciel et représentant une vie supérieure quasi divine.
Mais il est fort probable que pour les druides, le gui ne soit pas symbole de sagesse. C’est davantage le chêne qui en est doté, ainsi que de force.
Le gui se trouve originellement sur le chêne (espèce dont on dit qu’elle seule a de la valeur) mais elle est également présente sur d’autres essences d’arbres : pommiers, peupliers, certains conifères aussi.
Bien que toxiques, les baies qui mûrissent en automne (au début de l’année celte ^^), sont utilisées, selon Pline, pour donner la fécondité aux animaux stériles. Il ajoute aussi que le gui est un bon remède contre tous les poisons.
Cette plante est toujours utilisée en médecine et possède de nombreux avantages thérapeutiques : propriétés vasodilatatrices, antiépileptique, etc.
10/Jusquiame Noire [Hyoscyamus Niger]
Funeste et visqueuse plante à l’odeur fétide. Elle est très toxique dans toutes ses parties.
On lui prêtait le pouvoir de s’envoler sans doute en raison des hallucinations qu’elle provoque.
L’odeur de la jusquiame est censée pétrifier les lièvres d’après une ancienne croyance…
11/Mandragore [Mandragora Officinalis]
Une autre beauté empoisonnée célèbre, pourtant bien banale à première vue. Des feuilles toutes simples, on dirait une grosse salade.
Elle est hautement toxique. Cependant, Hippocrate et, par la suite, de nombreux physiciens lui reconnaîtront des vertus sédatives et soporifiques.
Elle a longtemps été considérée comme une plante aux vertus curatives dont les bienfaits ne se révèlent seulement que si elle est savamment dosée.
Sa fameuse racine anthropomorphique est aphrodisiaque et a donné lieu à une foule de croyances. C’est ce qui fait qu’elle entrait dans la composition de nombreuses potions.
Les légendes sont nombreuses, en ce qui concerne la mandragore :
*On la dit née de la semence des pendus car elle poussait de préférence sous les gibets.
*Quand on arrache cette plante, elle émet de tels hurlements qui, s’ils ne tuent pas, rendent à jamais fou ou pour le moins sourd.
*Jusqu’à la fin du XIX ème siècle, on assurait que la mandragore avait le pouvoir de rendre le double de ce qu’elle avait reçu. Qu’on lui donne une pièce d’or, elle en rend deux.
*Afin de la rendre magique, il faut la placer pendant un mois dans la fosse d’un cimetière. Ensuite, on la fait sécher dans un four puis on l’enveloppe dans un morceau de linceul…
La mandragore contient un alcaloïde puissant appelé scopolamine. Cette substance est également présente dans d’autres solanacées toxiques (jusquiame, datura) et est très proche de l’atropine. Tout comme cette dernière, la scopolamine provoque hallucinations, délires, amnésie et autres effets non moins désagréables. Et la mort, à hautes doses.
Il s’agit du fameux sérum de vérité utilisé durant la Seconde Guerre Mondiale.
Actuellement, on utilise la scopolamine pour des objectifs autres que seulement médicaux :
un lien qui fait froid dans le dos.
12/Morelle Noire [Solanum Nigrum]
Une solanacée, tout comme l’aubergine, par exemple, mais loin d’être aussi inoffensive. Elle rejoint mandragore, belladone, jusquiame et datura au rang des solanacées dangereusement toxiques.
Ce sont les fruits – baies généralement noires, plus rarement verdâtres ou jaunâtres – qui sont la partie de la plante la plus toxique.
13/Muguet [Connallaria Majalis]
Difficile de l’ignorer. Les clochettes blanches donnent, par la suite, naissance à des baies écarlates dont il faut se méfier bien que la plante même seulement fleurie soit déjà toxique.
Attention aux baies, plus particulièrement à cause de la couleur qui peut attirer les enfants.
14/Rue Officinale/Fétide [Ruta Graveolens]
Plante à odeur déplaisante, comme l’indique son nom. Elle fut utilisée pour repousser insectes et rats des maisons au Moyen-Âge. Mais également comme vermifuge.
Elle est très toxique. Elle peut provoquer hémorragies et gastro-entérites. Mais c’est surtout ses vertus abortives qui lui valurent d’être interdite.
Cependant, cela ne l’empêche pas, encore aujourd’hui, de rentrer dans la composition du « grappa » qui est une eau-de-vie de marc, ainsi que dans quelques sauces et omelettes.
Selon d’autres sources, elle semble être capable de combattre les effets de l’aconit (vue plus haut), des morsures de serpents, des piqûres de scorpions, des morsures de chiens enragés.
D’après une vieille croyance, lorsqu’une belette veut s’attaquer à un serpent, elle se nourrit de rue pendant 9 jours et se trouve ainsi immunisée.
15/Sceau-de-Salomon [Polygonatum Multiflorum]
Autre liliacée (comme le muguet). Grande hampe florale sur laquelle grimpent parfois des dizaines de fleurs blanches qui donneront des baies rouges, puis noires, à maturité.
On la considère comme légèrement toxique, par ses fruits, en particulier.
16/Tanaisie Commune [Tanacetum Vulgare]
Au Moyen-Âge, elle était d’usage dans un certain nombre de recettes de cuisine. C’est une plante très odorante aux vertus médicinales indéniables : ses graines sont utilisées en tant que vermifuge et on faisait, de cette plante, des onguents destinés à soulager entorses et foulures. Mais comme elle peut provoquer convulsions et empoisonnement, elle est considérée comme toxique.
Sources :
-Encyclopédie visuelle des plantes sauvages, Jean-Marie Polèse, Artémis Editions, 2007.
-Guide du promeneur dans la nature, Felix/Toman/Hisek, Hatier, 1974.
-Les remèdes de santé de Hildegarde de Bingen, Paul Ferris, Marabout, 2002.
-Mon potager médiéval, Claire Lhermey, Equinoxe, 2007.
-La cuisine sauvage des haies et des talus, Annie-Jeanne et Bernard Bertrand, Editions de Borée, 2004.
-Le langage secret des symboles, David Fontana, Solar, 1994.
-Dictionnaire des symboles, Jean Chevalier/Alain Gheerbrant, Robert Laffont/Jupiter, 1969.
-Dictionnaire des superstitions et croyances populaires, Pierre Canavaggio, Rombaldi, 1977.
-Larousse illustré, 2005.
A bientôt.
AFS